L'UE signe un accord de libre-échange avec l'Indonésie

L'UE a conclu mardi un accord de libre-échange avec l'Indonésie, après de longues négociations. Retardé notamment par l'épineuse question des produits issus de la déforestation, cet accord a été paraphé quelques heures avant que Bruxelles ne propose de reporter d'un an supplémentaire l'entrée en vigueur de sa loi contre la déforestation, au grand dam des organisations environnementales.

"L'UE et l'Indonésie envoient un message fort au monde selon lequel nous sommes unis dans notre engagement en faveur d'un commerce international ouvert, fondé sur des règles et mutuellement bénéfique", a déclaré le commissaire européen au Commerce, le Slovaque Maros Sefcovic, après avoir signé cet acord à Bali avec le ministre indonésien de l'Economie, Airlangga Hartarto.

Cet accord de partenariat économique global (Comprehensive Economic Partnership Agreement, CEPA) va faciliter les échanges entre les 27 et la plus grande économie d'Asie du Sud-Est dont l'UE est le cinquième partenaire commercial avec 30,1 milliards de dollars (25,6 milliards d'euros) d'échanges en 2024.

Selon ses termes, 80% des produits indonésiens exportés vers l'UE bénéficieront de droits de douane nuls, a indiqué M. Airlangga, ce qui devrait bénéficier aux industries de la chaussure, du textile, de la pêche ou encore à l'huile de palme.

- "Nouvelles opportunités" -

Dans un communiqué, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué un accord qui "crée de nouvelles opportunités pour les entreprises et les agriculteurs" et assure à l'UE "un approvisionnement stable et prévisible en matières premières essentielles".

L'accord permettra également des investissements en Indonésie, notamment dans des secteurs stratégiques tels que les véhicules électriques, l'électronique et les produits pharmaceutiques.

Au total, les exportateurs européens "économiseront quelque 600 millions d'euros par an en droits de douane sur leurs marchandises" entrant en Indonésie, selon le communiqué de la Commission.

Les pourparlers autour de cet accord de libre-échange s'étaient accélérés après la décision du président américain Donald Trump d'imposer une hausse des droits de douane à de nombreux pays. Taxée par les Etats-Unis à hauteur de 19%, l'Indonésie s'est tournée vers l'UE qui, également visée par l'administration Trump, cherche à diversifier ses partenariats commerciaux.

Les discussions avaient auparavant pâti de la volonté de Bruxelles d'interdire la commercialisation en Europe de produits (huile de palme, cacao, café, soja, bois) provenant de terres déboisées après décembre 2020. Une mesure dont l'Indonésie est l'un des plus fervents critiques, avec les Etats-Unis ou le Brésil. 

- Report de la loi sur la déforestation -

Quelques heures après la signature de l'accord avec Jakarta, la Commission européenne a proposé un nouveau report d'un an, à fin 2026, de l'entrée en vigueur de cette législation, au grand dam des organisations environnementales.

La commissaire européenne chargée de l'environnement, Jessika Roswall, a justifié ce délai par des difficultés opérationnelles dans la mise en place du "système informatique" de surveillance des forêts.

La proposition de report va être soumise aux Etats membres et au Parlement européen, où elle pourrait obtenir le soutien de la droite et de l'extrême droite.

Lorsqu'elle entrera en vigueur, cette loi obligera les entreprises importatrices à prouver que les produits ne proviennent pas de terres déboisées récemment, via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires. Une "usine à gaz", selon ses détracteurs.

"Très mauvaise surprise"

Malgré ce nouveau report, Jessika Roswall a cependant assuré que Bruxelles continuerait à défendre cette loi. "Nous avons travaillé dur pendant de nombreuses années", sur ce texte, "une initiative clé" et "nous restons très engagés à continuer à lutter contre la déforestation", a-t-elle affirmé.

Confrontée à la concurrence chinoise et à la hausse des droits de douane aux Etats-Unis, l'UE a entamé un virage pro-business ces derniers mois. Et les ONG s'alarment d'un détricotage en règle du Pacte vert, le "Green Deal", une série de lois environnementales adoptées pendant le précédent mandat.

Ce "deuxième report" de la loi contre la déforestation, après celui annoncé l'an dernier, "est une très mauvaise surprise", a réagi Anke Schulmeister - Oldenhove de l'ONG Fonds mondial pour la nature (WWF), jugeant que l'argument technique invoqué "pose question".