UE: cinq leçons à tirer de la victoire du candidat nationaliste en Pologne
La victoire du candidat nationaliste Karol Nawrocki, partisan de "la Pologne d'abord", le 1er juin 2025 à l'élection présidentielle constitue un revers symbolique fort pour Bruxelles, en particulier sur la question de l'Etat de droit.
Elle ne devrait pas pour autant faire dérailler les chantiers européens. En pratique, le futur président exercera une influence limitée sur la politique étrangère, puisque c'est son Premier ministre Donald Tusk, résolument pro-européen, qui représente la Pologne aux sommets entre dirigeants.
Voici cinq enseignements à tirer du scrutin polonais pour l'Union européenne:
Le camp d'Orban renforcé
Karol Nawrocki vient renforcer les rangs du camp nationaliste en Europe, aux côtés du Hongrois Viktor Orban, du Slovaque Robert Fico, et, de façon différente, de l'Italienne Giorgia Meloni.
Le dirigeant hongrois a d'ailleurs été parmi les premiers à se réjouir de la "fantastique victoire" du candidat conservateur, se disant "impatient" de travailler avec lui.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban et son homologue italienne Giorgia Meloni après une conférence de presse à Rome, le 24 juin 2024. Tiziana Fabi / AFP
"Il faut prendre très, très au sérieux le résultat de ces élections", assure Ramona Coman, spécialiste des questions européennes à l'Université libre de Bruxelles.
Pour cette politologue, le succès de cet historien de 42 ans, porté par les voix de l'extrême droite, illustre le "désenchantement démocratique majeur" qui s'opère non seulement en Pologne, mais à travers le Vieux Continent.
Tensions sur l'Etat de droit
Dans ce pays de 38 millions d'habitants, les pouvoirs du président sont certes limités. Mais le chef de l'Etat dispose néanmois d'un puissant droit de veto avec lequel il pourrait bloquer le programme du gouvernement sur l'avortement, l'indépendance des médias ou les questions LGBT+.
Cela pourrait nettement détériorer les relations de Varsovie avec les institutions européennes.
"Nous avons déjà l'expérience du gouvernement précédent (avant l'arrivée de Donald Tusk au pouvoir fin 2023), où les relations étaient très tendues avec Bruxelles", note Ramona Coman.
Avant d'évoquer la procédure engagée pendant six ans par la Commission européenne contre la Pologne, en raison des atteintes à l'indépendance de la justice reprochées à l'ancien gouvernement — issu du même parti que Karol Nawrocki.
Sollicité sur cette question, un porte-parole de l'exécutif européen, Markus Lammert, a assuré que le respect de l'Etat de droit était au coeur de "l'identité" européenne. "Nous continuons de suivre la situation de près et nous soutenons le gouvernement polonais" dans ses réformes, a-t-il affirmé.
Le soutien à l'Ukraine incertain
Bruxelles veut également s'assurer que l'arrivée de Karol Nawrocki ne remettra pas en cause le soutien jusqu'ici indéfectible de la Pologne à l'Ukraine.
La Pologne a accueilli plus d'un million de réfugiés ukrainiens depuis le début de l'invasion russe en février 2022 et s'est imposée comme l'un des alliés européens les plus engagés aux côtés de Kiev.
Durant sa campagne, le candidat nationaliste s'est montré très critique d'une adhésion de l'Ukraine à l'UE -- une perspective au contraire défendue par le Premier ministre.
Il a aussi accusé le président ukrainien de "se comporter de manière indécente envers ses alliés".
Reste que le champ d'influence de Karol Nawrocki est ici limité, puisque c'est Donald Tusk et non lui qui siège au Conseil, où se prennent les décisions sur ces questions.
Coup contre les ambitions climatiques
Autre incertitude soulevée par l'élection de Karol Nawrocki: l'avenir des ambitions climatiques européennes, à l'heure où l'Europe débat de son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2040.
Le quadragénaire, fervent soutien du charbon polonais, est résolument opposé au Pacte vert, le très ambitieux projet climat de Bruxelles.
Il a même promis l'organisation d'un référendum en Pologne pour abandonner le texte -- une perspective qui a toutefois peu de chances d'aboutir.
L'influence de Trump à double tranchant
Quelle est l'influence de Donald Trump sur les scrutins en Europe? A cette question, qui obsède nombre de responsables à Bruxelles, pas de réponse claire.
Durant la campagne, Karol Nawrocki s'est certes targué d'avoir le soutien du président américain, qu'il a rencontré à la Maison Blanche peu avant le premier tour.
Mais une stratégie similaire a échoué en Roumanie, quelques semaines plus tôt. Le candidat George Simion, partisan de la "Roumanie d'abord", clin d'oeil assumé au slogan de Donald Trump, a été défait par le centriste Nicusor Dan au deuxième tour de la présidentielle.
Par Camille Camdessus