Hongrie: l'UE perd patience

"On ne peut plus continuer à se faire écraser": les Etats membres de l'Union européenne ont nettement haussé le ton face à la Hongrie, accusée de brider les droits des personnes LGBT+ et d'abandonner l'Ukraine. Mais leur marge de manœuvre pour sévir face au gouvernement de Viktor Orban reste étroite.

Bruxelles s'adonne depuis des années à un délicat jeu d'équilibriste avec le Premier ministre hongrois.

Ses positions sont à contre-courant d'autres Etats membres de l'UE sur une ribambelle de sujets, à commencer par les questions d'Etat de droit. Mais le soutien du dirigeant ultraconservateur est indispensable sur plusieurs dossiers sensibles, où les décisions se prennent à l'unanimité des 27 Etats membres.

A commencer par le renouvellement de sanctions contre la Russie, ou l'adhésion de l'Ukraine à l'UE -- deux dossiers où les tractations avec Viktor Orban, proche de Moscou, se font au forceps.

De peur de le braquer, "il n'y a jamais eu de confrontation directe" entre les dirigeants européens et le Premier ministre hongrois, explique un diplomate européen sous couvert d'anonymat. 

"Mais à un moment on ne peut plus continuer à se faire écraser par ce nain politique et économique qu'est la Hongrie", s'emporte-t-il.

"A la carte"

La loi adoptée par la Hongrie au printemps visant à interdire la marche des fiertés LGBT+ a contraint les dirigeants à durcir leur position.

En atteste la lettre signée par vingt pays européens, dont la France, les Pays-Bas et la Suède, exhortant Budapest à réviser ce texte, et les nombreuses déclarations de ministres en amont d'une réunion mardi à Bruxelles.

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Un manifestant tient un drapeau LGBT+ durant une manifestation contre la politique du Premier ministre hongrois Viktor Orban, en face du Parlement à Budapest, le 1er mai 2025. Attila Kisbenedek / AFP 

"Nous avons de gros problèmes avec la Hongrie", a dénoncé le ministre allemand chargé des questions européennes, Gunther Krichbaum. "La patience de mes collègues s'amenuise de jour en jour".

Les valeurs européennes "ne sont pas un menu à la carte où l'on peut choisir celles que l'on veut respecter et celles que l'on veut laisser de côté", a renchéri la ministre belge de la Justice, Annelies Verlinden.

L'UE gèle déjà une dizaine de milliards d'euros de fonds destinés au pays d'Europe centrale, dans le cadre de procédures engagées en raison d'inquiétudes liées aux droits des personnes LGBT+, des demandeurs d'asile, ainsi que les conditions de passation des marchés publics et les conflits d'intérêts.

"Pas de la science fiction"

Que peut-elle faire de plus?

Outre les fonds gelés, la Hongrie est visée depuis 2018 par la procédure dite de l'article 7, destinée à sanctionner un Etat membre où est constatée une "violation grave" de l'Etat de droit.

Celle-ci peut en théorie aller jusqu'à une suspension des droits de vote au sein du Conseil de l'UE, où siègent tous les chefs d'Etat et de gouvernement.

Un scénario inédit, que plusieurs pays ont mis sur la table mardi.

La ministre danoise Marie Bjerre, dont le pays assurera bientôt la présidence tournante de l'UE, a assuré être prête à utiliser "tous les outils" nécessaires pour faire rentrer Viktor Orban dans le rang, y compris l'activation de cette procédure.

"Jusqu'ici peu de gens imaginaient que cet article 7 puisse être utilisé", note Lukas Macek, de l'institut Jacques Delors. "Mais plus on avance plus je me dis que c'est peut-être pas tant de la science fiction que ça", affirme-t-il auprès de l'AFP, soulignant le "ras-le-bol" des Etats membres.

Présent mardi à Bruxelles, le ministre hongrois Janos Boka a qualifié la situation "d'hystérie politique", assurant avoir répondu jusqu'ici à toutes les "questions et remarques" exprimées par des Etats membres sur son pays. 

Par Camille Camdessus et Umberto Bacchi