A "digital curfew" for 15-18 year olds in France ?
French lawmakers urged a social media ban for under-15s and "digital curfew" for older minors to protect them from an "ocean of harmful content". Several EU countries, including France, are pushing for stricter controls on children's use of online platforms at the European level.
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Lancée en mars 2025, la commission parlementaire ayant rédigé ce rapport a auditionné des familles accusant TikTok d'avoir exposé leurs enfants à des contenus pouvant les pousser au suicide, des responsables de réseaux sociaux et des influenceurs pour décortiquer l'algorithme de la puissante plate-forme de partage de vidéos, qui compte 1,5 milliard de membres et est la propriété du groupe chinois ByteDance.
En se plongeant dans cette application ultrapopulaire chez les jeunes, les députés ont constaté "un océan de contenus néfastes" - mêlant des vidéos de "promotion du suicide, d'automutilation" et "une exposition à la violence sous toutes ses formes" - dopé par les programmes de recommandations puissants qui enferment les jeunes dans des bulles nocives, a expliqué Laure Miller, députée du parti d'Emmanuel Macron et rapporteure de la commission, jeudi lors d'une conférence de presse.
Que préconise ce rapport dans le détail ?
Il appelle en premier lieu à interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Une telle interdiction, qui est un cheval de bataille du président Emmanuel Macron, permettrait "de donner un signal à la fois aux enfants et aux parents qu'avant 15 ans", les réseaux sociaux, "ce n'est pas anodin", a résumé Laure Miller.
Si la plupart des réseaux sociaux interdisent théoriquement aux moins de 13 ans de s'inscrire, près d'un enfant âgé de 11-12 ans sur deux y est présent, selon l'Arcom, le régulateur du secteur en France.
Le rapport propose ensuite l'instauration d'un "couvre-feu numérique" pour les 15-18 ans, rendant les réseaux sociaux inaccessibles de 22H00 à 08H00, ainsi que lancement d'une vaste campagne d'information sur leurs risques, suivie de la création d'un "délit de négligence numérique" pour "les parents irresponsables".
Où en est-on au niveau de l'UE ?
L'Union européenne dispose d'un arsenal législatif parmi les plus stricts au monde pour encadrer les géants du numérique. Mais les appels à aller plus loin se multiplient parmi les Vingt-Sept, face aux inquiétudes concernant le caractère addictif des réseaux sociaux mais aussi les dangers liés au cyberharcèlement ou à la prolifération des discours de haine.
En juillet, la Commission européenne a annoncé que cinq Etats membres, dont la France, allaient tester un dispositif permettant de vérifier l'âge des utilisateurs en ligne et d'empêcher les enfants d'accéder à des contenus dangereux. Le Danemark, la Grèce, l'Italie et l'Espagne sont aussi associés à cette expérimentation.
Très concrètement, il s'agit d'un prototype européen que chaque Etat membre pourra ajuster en fonction de ses propres règles: par exemple selon qu'une interdiction est en vigueur sur internet pour les enfants de 12, 13 ou 15 ans, etc.
La Commission européenne a également publié des recommandations à l'attention des réseaux sociaux pour les jeunes, pour permettre par exemple aux mineurs de bloquer plus facilement des utilisateurs. Ces mesures incluent également la suppression de fonctionnalités potentiellement addictives comme les "coches", qui indiquent qu'un message a été lu et peuvent pousser à attendre frénétiquement une réponse.
La France se rêve en exemple
Les députés de la commission parlementaire sur TikTok souhaitent désormais aller plus loin et porter "rapidement" une proposition de loi "transpartisane", espérant qu'elle obtiendra un large soutien "quels que soient les gouvernements qui arrivent".
"La France peut être un exemple" et "le premier pays européen à légiférer sur ces sujets", espère l'avocate Laure Boutron-Marmion, fondatrice du collectif Algos Victima qui représente plusieurs familles ayant assigné TikTok en justice fin 2024, l'accusant d'avoir exposé leurs enfants à des contenus pouvant les pousser au suicide.

Cette photo d'illustration prise à Bruxelles le 7 mai 2025 montre le logo de l'application chinoise Tik Tok sur un smartphone devant un écran affichant l'image d'une femme maigre, alors que la tendance « skinnytok », qui promeut la minceur, inquiète. Nicolas Tucat / AFP
La France s'est placée à l'avant-garde de la régulation des plateformes, avec une loi adoptée en 2023 qui oblige ces dernières à obtenir le consentement parental de leurs utilisateurs de moins de 15 ans. La mesure n'a pas encore reçu l'aval nécessaire de l'UE.
Elle a également introduit cette année l'obligation pour les sites pornographiques de vérifier l'âge des utilisateurs afin d'empêcher l'accès des enfants.
Sous la pression du gouvernement français, TikTok a par ailleurs interdit au printemps le hashtag #SkinnyTok qui promeut la maigreur extrême.
TikTok assure régulièrement faire de la sécurité des jeunes "sa priorité absolue" grâce entre autres à une modération dopée à l'intelligence artificielle qui permet de supprimer proactivement les contenus enfreignant ses conditions d'utilisation.
Un porte-parole de TikTok a "catégoriquement" rejeté la "présentation trompeuse" de la commission parlementaire française, estimant qu'elle cherchait à faire de l'entreprise "un bouc émissaire face à des enjeux qui concernent l’ensemble du secteur et de la société".
Mise en oeuvre délicate
Pour Olivier Ertzscheid, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l'université de Nantes, la mise en œuvre de mesures d'interdiction des réseaux aux enfants soulève toutefois des problèmes de compatibilité entre droit et technique.
"Juridiquement, cela existe déjà: quand vous vous enregistrez sur une plateforme, on vous demande votre âge", remarque-t-il. Mais pour instaurer un contrôle efficace, "on est obligé d'ouvrir une brèche dans le domaine du respect de la vie privée", estime l'enseignant.
Certaines applications, comme le réseau social français Yubo, font appel à la société britannique Yoti, qui a développé un système d'évaluation de l'âge fondé sur l'intelligence artificielle à partir d'une photo. Mais le déploiement de ces outils reste rare.
Garante des droits des Français, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) signale que le contrôle de l'âge conduit "à collecter des données personnelles et présente des risques pour la vie privée".
